Les classements des prépas sont-ils fiables ? Doit-on s’y référer pour choisir sa prépa ? Doit-on nécessairement essayer de choisir la prépa aux plus forts taux d’intégration pour maximiser ses chances aux concours ? Telles sont les questions que peu d’étudiants se posent mais qui sont peut-être centrales à la stratégie de tout un chacun en prépa…
Les taux d’intégration d’une prépa dans les différentes Écoles, donc ses différents classements dans le Top-3, le Top-5, le Top-10… dépendent de très nombreux paramètres, à commencer bien entendu par la qualité de son corps enseignant, mais aussi la qualité “originelle“ des étudiants recrutés, c’est-à-dire de la sélection effectuée par la prépa à l’entrée en première année.
Mais ces classements dépendent aussi d’un grand nombre de “facteurs cachés“, comme les politiques de passage en deuxième année des différentes prépas ou leurs “politiques de cubes“, c’est-à-dire de la proportion de cubes dans l’effectif global de leurs étudiants passant les concours (et, pour beaucoup, également de leurs politiques de recrutement de cubes venant de l’extérieur), sans parler de leurs “politiques de candidats libres“ (pour les prépas privées uniquement)…
Ainsi, lorsque des étudiants choisissent leur prépa (que ce soit à l’entrée en bizuth, en carré ou en cube) en fonction des classements des différents établissements dans le Top-3, le Top-5…, ils ne le font que sur des critères bien souvent biaisés qui ne leur apportent que des informations éminemment partielles sur la prépa qu’ils choisissent en fin de parcours.
Nous allons tout vous décoder ci-dessous et certainement faire voler en éclat un grand nombre de vos pseudo-certitudes qu’il deviendra alors impératif de chasser de votre esprit quand vous serez amenés à choisir votre prépa…
En premier lieu, il est important de savoir qu’il existe différents classements des prépas : le classement fondé sur les seuls résultats à HEC, celui portant sur les Écoles du Top-3 (les “Parisiennes“), celui portant sur les Écoles du Top-5 (les “Parisiennes“ plus l’EDHEC et l’EM Lyon), mais aussi du Top-6 ou du Top-10 (ou toute autre variante)… Plus un étudiant est ambitieux, plus il s’intéressera à des classements portant sur un nombre restreint d’Écoles.
Il est également important de comprendre qu’il convient de se détacher des classements fondés exclusivement sur la dernière année de concours, certaines prépas pouvant parfois connaître des accidents (positifs ou négatifs) sur une année particulière… Il est donc important de regarder plutôt les classements portant sur cinq ans, même si la dernière année ou les deux dernières années peuvent (parfois, mais pas toujours) éclairer sur une éventuelle tendance à venir…
Il convient également de savoir que tous les classements sont fondés, non pas sur les taux d’admission, mais sur les taux d’intégration des différentes prépas dans les Écoles (ce qui n’était pas le cas il y a 30 ou 40 ans). Vous ne voyez peut-être pas la différence, mais cela change tout !
En effet, dans une “grande“ prépa où l’ambition est de mise, beaucoup d’étudiants renoncent à intégrer en carré des Écoles hors Top-3 pour retenter leurs chances en cube afin d’intégrer HEC, l’ESSEC ou l’ESCP. Ainsi, une “top prépa“ qui aurait 75% d’étudiants admis dans les Parisiennes et 95% dans les Écoles du Top-5, pourrait très bien apparaître avec un taux d’intégration de 70% dans le Top-3, 75% dans le Top-5, et peut-être de 80% “seulement“ dans le Top-10, car nombre de leurs étudiants viendraient à refuser des Écoles comme l’ESCP, l’EDHEC ou l’EM Lyon, afin de privilégier l’intégration dans une “meilleure“ École l’année suivante. Certains en déduiraient, un peu hâtivement, que cette prépa n’est pas très performante au-delà du Top-3, ce qui serait pourtant très loin d’être le cas !
Pour prendre un exemple caricatural, imaginons une prépa dont 100% des étudiants veulent absolument intégrer HEC, mais dont aucun d’entre eux n’y serait admis, contrairement à l’ESSEC où ils y seraient tous admis. Si tous les étudiants de cette prépa suivent leur logique initiale, ils pourraient donc tous refuser d’intégrer l’ESSEC en carré et décider alors de cuber. Cette prépa serait alors considérée comme ayant 0% de succès dans le Top-3 ou dans le Top-5, alors que les résultats de ses étudiants aux concours seraient particulièrement brillants puisque 100% d’entre eux y auraient été admis…
C’est donc afin d’améliorer leurs statistiques que la quasi-totalité des prépas incitent (pour ne pas dire “poussent“) leurs étudiants à intégrer leur “meilleure“ École obtenue dès leur année de carré, même lorsqu’un étudiant a visiblement raté ses concours et aurait mérité d’intégrer une bien “meilleure“ École (ce qui lui serait alors aisé l’année suivante en cube). Il est ainsi assez édifiant de noter que les toutes meilleures prépas (qui réalisent souvent des scores d’intégration de l’ordre de 80% dans le Top-3) poussent leurs étudiants admis à l’EDHEC ou à l’EM Lyon à intégrer dès l’année de carré, alors que quelques mois auparavant, elles ne juraient que par les Parisiennes… tout cela pour augmenter leurs taux d’intégration (et leurs classements respectifs) dans le Top-5 des Écoles.
Quand vous choisissez votre prépa, ce qui doit vous importer le plus, c’est la qualité de vos enseignants, donc de leurs cours, de leurs lignes pédagogiques, ainsi que leur façon de vous porter pour vous aider à intégrer les meilleures Écoles. Mais c’est, hélas, ce qui transparaît le moins dans les classements des prépas.
Par exemple, telle grande prépa parisienne, réputée pour la qualité toute relative de ses enseignants (c’est un euphémisme) est pourtant habituée, depuis des décennies, à truster les meilleures places dans les classements. Pourquoi ? Parce que les tous meilleurs élèves de Terminale, se fiant quasi-exclusivement aux classements, mettent bien souvent cet établissement renommé en première (ou seconde) place dans leurs vœux… Étant tous (extrêmement) brillants, ils parviennent, dans leur très grande majorité, à intégrer les toutes meilleures Écoles, malgré des professeurs particulièrement défaillants. Certes, avec de bien meilleurs enseignants, cette prépa aurait plus d’étudiants intégrant les meilleures Écoles, et son taux d’admission dans le Top-3 serait peut-être de 10 ou 20 points supérieur, mais cela ne l’empêche pas d’être en permanence sur les cimes des classements.
À l’autre extrémité du spectre, si vous mettez les meilleurs professeurs de prépa de France face à des étudiants issus “du fond du panier“, ils en sauveront peut-être quelques uns, mais il serait surprenant que cette prépa arrive un jour à la cheville de la précédente, sinon après plusieurs longues décennies d’effort de recrutement d’étudiants de niveaux sans cesse croissants… alors que leurs enseignants auront toujours été bien supérieurs à ceux de la prépa précédente sur l’ensemble de la période…
Ce qui fait donc le classement d’une prépa, bien plus que la qualité de son équipe pédagogique, c’est la qualité des étudiants recrutés… tant et si bien que lorsqu’un étudiant postule dans une prépa donnée, il ne cherche pas à “acheter“ la qualité de l’équipe pédagogique qu’il aura face à lui, mais bien plutôt (sans le savoir) le niveau scolaire des étudiants qu’il aura autour de lui (matiné, il est vrai d’un zest léger de qualité de l’équipe pédagogique qui sera face à lui)…
On se doit néanmoins de mettre un bémol (plus ou moins léger) aux propos précédents.
En effet, ce sont les étudiants de deuxième année, donc ceux qui présentent les concours, qui font le classement d’une prépa ! Certaines prépas n’hésitent donc pas à s’opposer au passage du quart à la moitié de leurs étudiants de première année à la fin de cette dernière pour ne conserver que les meilleurs d’entre eux en deuxième année. Ils en recrutent ainsi un nombre assez important en première année (soit pour remplir leurs classes dans le public, soit pour remplir leur portefeuille dans le privé), les testent pendant un an, et n’en retiennent qu’un nombre restreint en deuxième année. Dans un cas caricatural, telle prépa pourrait ainsi afficher dans tel ou tel classement un taux d’intégration de 50% en deuxième année en ne permettant pourtant qu’à 25% de ses étudiants de première année de réussir (car s’opposant au passage en deuxième année de la moitié de ses recrues de première année).
Et cet écart peut être encore plus marqué quand on sait que certaines prépas privées n’hésitent pas à demander à leurs étudiants en lesquels ils n’ont pas vraiment confiance de ne pas se présenter sous la bannière maison… Ces derniers se présentent alors en “candidats libres“ (sauf qu’ils auront suivi toute leur deuxième année de prépa dans cette classe préparatoire) et leurs résultats (le plus souvent peu reluisants eu égard aux ambitions de la prépa) ne pourront donc pas affecter (négativement) le classement de leur prépa.
Pour reprendre notre cas caricatural précédent, si une prépa recrute 80 étudiants en première année, n’en retient que 40 en deuxième année, et seulement 20 en janvier de l’année des concours qui peuvent alors se présenter sous la “marque“ maison, celle-ci pourrait, avec seulement 16 étudiants intégrés (sur les 80 au départ), afficher un taux de succès de 80% quand seulement 20% de ceux qui auront franchi ses portes en première année auront finalement intégré une des Écoles objet du classement.
L’écart est donc gigantesque !
Et encore, cela ne tient pas compte de la “politique de cubes“ de la prépa…
Il est statistiquement prouvé qu’un même étudiant réussit généralement beaucoup mieux en cube (lorsqu’il cube) qu’en carré… Il suffit donc pour une prépa d’avoir une assez forte proportion de cubes (de préférence des bons) dans ses effectifs pour améliorer encore ses statistiques.
Une telle prépa pourrait ainsi décider de ne présenter que ses tous meilleurs carrés sous sa bannière et les autres de ses étudiants en candidats libres, les meilleurs des non-admis parmi ces derniers étant alors pris en classe de cube l’année suivante pour “faire les statistiques“ de la prépa !
Pour prendre un nouvel exemple caricatural, imaginons une prépa X recrutant chaque année 120 étudiants en première année, n’en retenant que 60 en deuxième année, dont seulement 10 (carrés) autorisés à passer les concours sous sa marque, auxquels s’adjoignent 20 cubes (sur les 40 que comporte leur classe de cube) qui étaient les tous meilleurs de ceux ayant raté les concours l’année précédente en carré. Avec 120 étudiants admis en première année, et seulement 30 étudiants présentés sous sa marque (10 carrés et 20 cubes), cette prépa X pourrait afficher des taux de succès proches de 100% (l’essentiel étant donc réalisé par des cubes), avec seulement 25% de taux de succès (30 sur 120) pour les étudiants qu’elle avait recruté en première année et 8% (10 sur 120) seulement en deux ans de prépa…
Une belle façon de mystifier la réalité !
Et ce n’est pas tout… Si une prépa, forte de ses statistiques des années précédentes la plaçant aux toutes premières places des classements, parvient à recruter la “crème“ des étudiants de deuxième année des autres prépas échouant aux concours des Écoles du Top-3, et ce, pour les prendre en classe de cube, elle réussirait encore à améliorer sa martingale… le tout en n’ayant qu’à se servir auprès des autres prépas pour remplir sa classe de cube parmi la crème des étudiants ayant failli réussir en carré.
Ainsi, sur les 20 cubes de notre exemple précédent, 15 pourraient avoir été formés pendant deux ans par d’autres prépas avant que leur intégration ne soit réalisée sous l’étendard de cette prépa X. Si cette prépa parvient à un taux d’intégration de 100%, c’est en faisant réussir 10 de ses 120 étudiants de première année en carré et 5 autres en cube (plus 15 cubes venant de l’extérieur).
Cette prépa X ferait donc réussir seulement un huitième de ses étudiants entrant chez elle en première année (15 sur 120), mais afficherait pourtant 100% de succès dans les classements. Presque n’importe quel élève de Terminale voyant ce magnifique score de 100% chercherait alors à s’inscrire dans cette prépa et ne se rendrait compte de la supercherie que bien après avoir été pris dans l’engrenage…
Et comme le succès appelle le succès, les futurs bizuths, carrés et cubes les plus brillants chercheront à s’inscrire dans cette prépa, et ainsi de suite, presque jusqu’à la fin des temps… au moins jusqu’à ce qu’un accident industriel brise cette fabuleuse machine à fabriquer du miracle permanent… Et cet exemple est loin d’être une fiction. Il a existé (sous une forme à peine différente) pendant de longues années dans une classe préparatoire connue (dont l’honnêteté intellectuelle nous oblige à préciser que l’enseignement dans sa classe de cube a toujours été excellent)…
Au-delà même de cela, à supposer que le classement d’une prépa soit l’exact reflet de la qualité de l’enseignement qui y est dispensé, aurait-on intérêt à choisir la prépa qui a le meilleur taux d’intégration ?
La réponse est beaucoup moins évidente qu’il n’y paraît. En effet, dans les “meilleures“ prépas, tout du moins dans les meilleures classes, celles qui intègrent le plus fort taux d’étudiants dans les “meilleures“ Écoles, les cours sont adaptés à un public d’étudiants brillants, s’attardant peu sur les détails, passant outre certains fondamentaux considérés comme acquis par ce public. L’étudiant moyen entrant en prépa aurait fort peu à gagner, et même beaucoup à perdre, à être inscrit dans une telle classe ; il y serait très vite perdu, n’obtenant jamais de réponse à ses questions les plus fondamentales… Combien de fois n’a-t-on pas vu des étudiants, visiblement “surclassés“ en première année dans une prépa donnée, y perdre pied avant que de changer de prépa en carré ou en cube, et là, pouvoir retrouver la confiance en eux et effectuer les progrès nécessaires à leur intégration, parfois dans des Écoles du Top-3 ?
Si, si… Vous avez bien lu. Il arrive parfois que des étudiants, renvoyés de leur (bonne) prépa après une ou deux années, changent de prépa pour aller dans une prépa de rang “inférieur“ (si l’on se fie aux classements) et intègrent, un ou deux ans plus tard, une magnifique École qui leur semblait inaccessible dans leur prépa d’origine, visiblement “surdimensionnée“ pour eux !
Rassurez-vous quand même (un peu) : les prépas essaient de ne pas laisser entrer chez elles des étudiants qui seraient “sous-dimensionnés“ pour leur enseignement. Mais comme vous l’imaginez, leurs filtrages, sur la base de vos dossiers du secondaire, sont loin d’être parfaits, ce qui explique que nombre d’entre elles opèrent une seconde sélection en fin de première année…
En résumé, les classements des prépas sont tout sauf fiables, et ne doivent donc être considérés que comme un critère, et seulement l’un d’entre eux, pour sa choisir sa prépa !
Pour choisir votre prépa, vous devez chercher à recueillir des témoignages nombreux (pour les confronter les uns aux autres) sur la qualité de l’équipe pédagogique (par exemple lors des journées portes ouvertes organisées par les établissements), le “niveau“ d’enseignement qui y est pratiqué, la qualité des étudiants recrutés, la politique de sélection interne, voire externe (en cube), l’éventuelle “politique de candidats libres“ (si la prépa est privée)… confronter tous ces critères à l’étudiant que vous êtes vraiment (ou que vous serez) pour choisir votre prépa !
Tâche bien difficile, si ce n’est impossible, et on ne peut plus chronophage… C’est pourquoi la quasi-totalité des étudiants se fient aux seuls classements pour choisir leur prépa alors qu’ils ne devraient en aucun cas (on l’a vu) se fier à ces chiffres trompeurs des taux d’intégrés de l’année précédente dans telle ou telles École(s) !
Écrit par MasterClass Prépa Éducation